Une décision de la Cour suprême du Venezuela, qui nie aux journalistes le droit de réplique et fixe les critères de ce qui constitue une « information opportune, véridique et impartiale », suscite de la crainte chez les organisations de défense de la liberté de la presse, dont lâInstitut pour la presse et la société (IPYS), lâAssociation […]
Une décision de la Cour suprême du Venezuela, qui nie aux journalistes le droit de réplique et fixe les critères de ce qui constitue une « information opportune, véridique et impartiale », suscite de la crainte chez les organisations de défense de la liberté de la presse, dont lâInstitut pour la presse et la société (IPYS), lâAssociation pour la défense du journalisme indépendant en Argentine (PERIODISTAS), la Société interaméricaine de la presse (SIP), Reporters sans frontières (RSF) et le Comité pour la protection des journalistes (CPJ).
La décision du 12 juin, rappelle le CPJ, répond à une requête déposée par ElÃas Santana, coordonnateur du groupe de citoyens « Queremos Elegir », animateur de lâémission de radio « Santana Total » et chroniqueur au quotidien « El National » de Caracas. Dans les éditions du 27 août et du 3 septembre 2000 de son émission à la radio « Alo Presidente », le président Hugo Chávez a critiqué Santana et le groupe « Queremos Elegir ». Santana a déposé la requête afin de soutenir son droit de répliquer aux propos du président. Le droit de réplique est en effet garanti par la constitution du pays et par la Convention américaine relative aux droits de lâhomme, fait remarquer le CPJ. La Cour suprême a rejeté la requête de Santana, jugeant que le droit de réplique était réservé aux particuliers qui nâont pas accès à un forum public, plutôt quâaux professionnels des médias et autres personnes qui sâexpriment dans les médias. Le CPJ indique que Santana et dâautres Vénézuéliens éminents de toutes les tendances politiques ont déclaré avoir lâintention dâinterjeter appel de la décision devant la Commission interaméricaine des droits de lâhomme (IACHR) de lâOrganisation des Ãtats américains (OEA).
Aux termes du jugement de la Cour suprême du Venezuela, un journaliste peut être poursuivi pour violation du droit à une « information véridique », droit inclus dans la Constitution de 1999, malgré de fortes protestations, tant au pays quâà lâétranger, dit le CPJ. Le tribunal estime que les médias doivent éviter de répandre « de fausses nouvelles ou des nouvelles manipulées par le recours à des demi-vérités; la désinformation qui nie la possibilité de connaître la réalité des nouvelles; et les spéculations ou les informations tendancieuses en vue dâatteindre un objectif précis contre quelquâun ou quelque chose ». La SIP fait remarquer que la décision de la Cour suprême va jusquâà affirmer que le fait « dâavoir une majorité de chroniqueurs dâune même tendance idéologique constitue une atteinte à lâinformation véridique et impartiale ». Selon la SIP, la décision est « politique » et « équivaut à défendre la politique du président du Venezuela, qui vise à continuer de discréditer les médias dâinformations, les journalistes et quiconque pourrait critiquer ou contredire les gestes du gouvernement, ou encore sây opposer ».
Le jugement de la Cour suprême survient juste après que le président Chávez eut menacé publiquement dâexpulser les étrangers qui critiquent le Venezuela. LâIPYS rapporte que le président en a fait lâannonce le 10 juin en réponse à la déclaration de lâancienne candidate à la présidence du Pérou Lourdes Floures, selon qui Chávez démontrait certains traits de caractère qui le faisaient ressembler à lâancien président du Pérou, Alberto Fujimori. Ceux qui critiquent la remarque du président affirment que la constitution du Venezuela permet à tous, autant aux Vénézuéliens quâaux étrangers, dâexprimer librement leur opinion. LâIPYS rapporte également que Chávez a déclaré récemment quâil amassait des éléments sur des violations présumées des lois fiscales par les propriétaires des médias, et quâil sâadresserait aux tribunaux pour « obtenir justice » sur cette question. Chávez a formulé ces commentaires pendant une manifestation publique du parti communiste vénézuélien, où il a demandé aux journalistes de sâunir et de sâopposer aux propriétaires des médias. Il a aussi annoncé que son gouvernement continuerait de soutenir financièrement les stations de radio et de télévision populaires pour donner aux citoyens qui sâorganisent leurs propres médias, « et combattre de cette façon les grandes canailles qui manipulent la vérité ».
RSF affirme que depuis son accession au pouvoir en février 1999, le président Chávez multiplie les attaques contre les professionnels de lâinformation et les médias, dans leur majorité critiques à lâégard de la politique gouvernementale. Le 6 mai, le Comité de coordination des organisations de défense de la liberté de la presse, dont font partie la SIP, le CPJ, lâInstitut international de la presse (IIP), lâAssociation mondiale des journaux (AMJ) et le Comité mondial pour la liberté de la presse (WPFC), a adopté une résolution exprimant son inquiétude face à lâavenir de la liberté dâexpression au Venezuela et demandant au président Chávez de mettre fin à ses attaques contre les journalistes. La section latino-américaine de la Fédération internationale des journalistes (FIP), dont le siège est à Caracas, a déclaré récemment que les attaques répétées de Chávez contre les journalistes « étaient préjudiciables au climat de tolérance et aux garanties nécessaires à lâexercice du travail des journalistes et à la liberté dâexpression ».