Le journaliste érythréen Milkeas Mihreteab a échappé de peu à l’arrestation lorsque le bureau de son journal privé a reçu la visite des autorités il y a six ans. Il a franchi la frontière à pied avant de pouvoir passer aux États-Unis, où il a fini par obtenir l’asile. Aux États-Unis, Mihreteab a travaillé dans […]
Le journaliste érythréen Milkeas Mihreteab a échappé de peu à l’arrestation lorsque le bureau de son journal privé a reçu la visite des autorités il y a six ans. Il a franchi la frontière à pied avant de pouvoir passer aux États-Unis, où il a fini par obtenir l’asile. Aux États-Unis, Mihreteab a travaillé dans un café et comme gardien de sécurité, mais jamais comme journaliste. Et avec plus d’une dizaine de journalistes emprisonnés en Érythrée, l’éventualité d’un retour au pays apparaît bien mince.
Mihreteab n’est que l’un des 243 journalistes contraints à l’exil depuis six ans à cause de leur travail, indique un nouveau rapport du Comité pour la protection des journalistes (CPJ).
Publié à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés (le 20 juin), « Journalists in Exile » [Journalistes en exil] constate que, des 243 journalistes, plus de la moitié proviennent de cinq pays seulement : Zimbabwe, Éthiopie, Érythrée, Colombie et Ouzbékistan. Au moins trois journalistes fuient leur pays d’origine chaque mois pour échapper aux menaces de violence, à la prison ou au harcèlement, et un sur sept seulement rentre un jour chez lui.
La plupart d’entre eux fuient vers l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Afrique. Au Canada – qui arrive au quatrième rang parmi les principaux pays qui recueillent des journalistes, selon l’étude du CPJ – deux membres de l’IFEX entretiennent des programmes pour venir en aide aux journalistes en exil.
Il y a d’abord le programme « Journaliste en exil » (JEX) du groupe Journalistes canadiens pour la liberté d’expression (CJFE), qui a accueilli plus de 70 journalistes de partout dans le monde, des journalistes qui ont fui leur pays parce qu’ils y subissaient des persécutions en raison de leur travail. Inauguré en 2000, JEX sert à donner une voix aux journalistes exilés et à les mettre en contact avec d’autres journalistes ainsi qu’avec l’industrie des médias canadiens. Le CJFE travaille avec le JEX à un certain nombre d’initiatives, notamment des ateliers de langues, un répertoire des profils des membres du JEX et un site web – et il offre en outre une place pour permettre aux membres du JEX de se rencontrer et de partager leur vécu et leur savoir-faire. Le CJFE collabore également avec le PEN Canada et d’autres groupes de médias à la mise au point d’un programme d’un an en journalisme au Collège Sheridan, destiné à des journalistes venus de l’étranger et qui ont déjà une formation professionnelle. La première année du programme est en cours actuellement.
Le Réseau des « Écrivains en exil » du PEN International, actuellement présidé par le PEN Canada, aide des journalistes libérés à échapper à des persécutions ultérieures et à trouver la sécurité. La plupart des centres du PEN venant déjà en aide aux rédacteurs en exil pour ce qui est des procédures d’immigration et d’asile, des problèmes de santé, de formation professionnelle et de sécurité, ils ont créé en 1999 un réseau afin de partager les renseignements et être plus efficaces. Le PEN Canada offre maintenant aux journalistes en exil des postes à court terme dans des universités pour les aider financièrement et leur donner une entrée dans la communauté littéraire et universitaire du Canada.
Certains journalistes qui arrivent en France trouvent refuge à la Maison des Journalistes, une maison refuge située à Paris. Bien qu’il soit difficile d’obtenir du travail dans les médias français pour des journalistes qui vivent en exil – beaucoup d’entre eux ne maîtrisent pas la langue, et les syndicats français affirment qu’embaucher des étrangers enlève des emplois à ceux qui sont déjà en France – la Maison leur offre la possibilité de poursuivre leur travail. D’après l’étude du CPJ, plus des deux tiers des journalistes actuellement en exil ont été contraints d’abandonner leur travail.
« L’objectif consiste à aider les journalistes vivant en exil à affronter les difficultés auxquelles ils se heurtent lorsqu’ils fuient le pays où ils subissent des persécutions, à s’adapter à la vie en France et à s’intégrer dans la société française », déclare dans le bulletin de liaison du Réseau Africain pour la presse du XXIe siècle (RAP 21) de l’Association mondiale des journaux Philippe Spinau, directeur et ancien producteur à Radio France. La plupart des journalistes de la Maison lui sont adressés par Reporters sans frontières (RSF).
La Maison publie « L’?il de l’exilé », un hebdomadaire en ligne qui présente leurs articles. Les journalistes reçoivent un ticket quotidien pour un repas, une passe pour utiliser les transports publics et des cartes d’appel, ainsi qu’une chambre dans la Maison, installée dans une usine désaffectée. Ils peuvent aussi suivre des cours de français et aller en excursions « culturelles ». La Maison accueille 15 journalistes à la fois pour un séjour qui peut durer jusqu’à six mois, habituellement lorsqu’un journaliste débarque en France et a besoin de faire une demande d’asile. Depuis son inauguration lors de la Journée mondiale de la liberté de la presse (le 3 mai) en 2002, la Maison a accueilli 119 journalistes venus de 40 pays différents.
D’autres projets similaires sont en voie de réalisation à Berlin, en Allemagne, ainsi qu’à Cadix, en Espagne. Le Réseau des journalistes en exil du Royaume-Uni, seul groupe de médias dirigé par et pour des journalistes en exil, vient tout juste de recevoir l’appui unanime du Syndicat national des journalistes pour créer un refuge à Londres.
En Afrique, où la porosité des frontières et les conditions très dures de la liberté de la presse contribuent à l’exode constant des journalistes – 60 pour 100, selon le CPJ – le Réseau des défenseurs des droits de la personne dans l’Est et la Corne de l’Afrique (East and Horn of Africa Human Rights Defenders Network, EHAHRD-Net) offre de la protection et un programme de stages pendant une période qui peut aller jusqu’à six mois – sur le continent africain – à des journalistes qui courent des dangers. Grâce à ses partenariats étendus dans toute la région, le réseau donne aux journalistes un asile temporaire et la possibilité de se réinstaller dans un pays plus sûr; il leur offre même ponctuellement des fonds de secours.
Le rapport du CPJ « Journalistes en exil » inclut une analyse statistique, un dossier audio d’une réfugiée colombienne et un diaporama multimédia. Aller à : http://www.cpj.org/Briefings/2007/Exiles/exiles_07.html
Consulter les ressources suivantes :
– Répertoire JEX du CJFE (Canada) : http://www.cjfe.org/eng/exile/exile.html
– Réseau des rédacteurs en exil du PEN (Canada) : http://www.pencanada.ca/programs/exile/
– Maison des Journalistes (France) : http://www.maisondesjournalistes.org
– Réseau des journalistes en exil (Royaume-Uni) : http://www.exiledjournalists.net/
– EHAHRD-Net (Afrique) : http://www.yorku.ca/crs/AHRDP/index.html
– Page ressource de l’IFEX sur les fonds d’urgence : http://ifex.org/fr/content/view/full/426/
Consulter également les sites suivants :
– Reportage de RAP 21 sur la Maison des Journalistes : http://www.rap21.org/article19093.html
– Vidéo de la journaliste colombienne en exil Jenny Manrique :
http://groundreport.com/articles.php?id=2834128
(Image : « Journaliste en exil », courtoisie de Nikahang Kowsar, pigiste, producteur de la radio et aussi membre du JEX)
(26 juin 2007)