RSF demande aux négociateurs de ne pas sacrifier la liberté de parole sur Internet et l'accès à l'information en ligne à la lutte contre le piratage.
(RSF/IFEX) – Alors qu’une nouvelle session de négociations débute le 28 juin 2010 à Lucerne, en Suisse, entre une quarantaine de pays, Reporters sans frontières demande aux négociateurs de l’Accord Commercial Anti-Contrefaçon (ACTA) de ne pas sacrifier la liberté de parole sur le Net et l’accès à l’information en ligne à la lutte contre le piratage et la contrefaçon des œuvres protégées par les droits d’auteur. L’organisation leur demande d’ouvrir les négociations au débat démocratique, en raison des enjeux de cet accord pour les libertés civiles.
Lors de la publication du projet de traité ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement) par la Commission européenne, le 21 avril, Reporters sans frontières avait attiré l’attention sur plusieurs dispositions potentiellement dangereuses pour la liberté d’expression sur Internet, notamment la coupure possible de l’accès à Internet, le manque de protection des données personnelles et la responsabilisation à outrance des intermédiaires techniques, adoubés « policiers du droit d’auteur », susceptible de provoquer la mise en place d’un système de filtrage du Net.
Ces craintes sont renforcées par la fuite récente d’un document de la Présidence de l’Union européenne, daté du 7 avril et publié sur le site du collectif citoyen La Quadrature du Net ( http://www.laquadrature.net/fr/fuite-lue-fait-pression-pour-la-criminalisation-des-usages-non-commerciaux-dans-lacta ). Le document révèle que les États Membres font pression pour imposer des peines de prison pour l’usage non-commercial d’œuvres protégées sur Internet. La copie privée pourrait ainsi être concernée alors qu’elle est légale dans plusieurs pays. Seraient également passibles de peines de prison : la « complicité », mais aussi l' »incitation », un terme très vague qui laissent la porte ouverte à une interprétation très large de la part de certains Etats, avec des conséquences potentielles pour la liberté d’expression. Jérémie Zimmermann, porte-parole de La Quadrature du Net, estime pour sa part qu’il s’agit d’une « notion très large qui peut couvrir tous les services Internet ou les discours qui remettent en cause la façon dont est appliqué le droit d’auteur. »
L’ACTA traite aussi bien de la contrefaçon de médicaments que du téléchargement illégal d’œuvres protégées par le droit d’auteur. Sa section 4 concerne spécifiquement la sphère numérique.
Des négociations se déroulent depuis plus de deux ans de manière confidentielle entre l’Union européenne, les Etats-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Maroc, le Mexique, le Japon, Singapour, la Corée du Sud, le Canada et la Suisse, sans concertation des ONG ni de la société civile.