« Dans la Bande de Gaza, toute personne qui possède une caméra est une cible valide. Telle est l’inévitable conclusion à tirer de l’enquête menée par l’armée israélienne sur les raisons pour lesquelles l’équipe d’un de ses chars a tiré au moins deux obus en direction d’un journaliste de la télévision de Reuters qui les […]
« Dans la Bande de Gaza, toute personne qui possède une caméra est une cible valide. Telle est l’inévitable conclusion à tirer de l’enquête menée par l’armée israélienne sur les raisons pour lesquelles l’équipe d’un de ses chars a tiré au moins deux obus en direction d’un journaliste de la télévision de Reuters qui les filmait ouvertement à un mille (1,6 km) de distance. »
C’est ce qu’écrit sur son blogue Robert Mahoney, du Comité pour la protection des journalistes (CPJ), après qu’Israël eut annoncé le 13 août 2008 qu’il ne poursuivrait pas les soldats qui ont abattu le 16 avril l’opérateur de caméra de Reuters Fadel Shana et au moins trois Palestiniens sans armes. L’évaluation de Mahoney est partagée par de nombreuses organisations de défense de la liberté de la presse et des droits de la personne.
Le Centre palestinien pour le développement et la liberté des médias (MADA) qualifie la décision de « feu vert [donné] à davantage d’homicides et d’agressions contre les journalistes ». À Jérusalem, l’Association de la presse étrangère a qualifié l’enquête de « la dernière d’une longue suite d’affaires où des soldats sont disculpés de toute faute entraînant la mort ». Reuters a déclaré que la décision « limiterait gravement la liberté des médias de couvrir le conflit en accordant dans les faits aux soldats l’entière liberté de tuer sans savoir avec certitude s’ils ne tirent pas sur des journalistes ».
Shana et son technicien du son Wafa Abou Mizyed, qui a été blessé, avaient revêtu un gilet pare-balles de couleur bleue sur lequel figurait le mot « PRESS » et se tenaient près d’une voiture portant les mots « TV » et « PRESS », précise Reuters. Mais un char israélien a tiré un obus à fléchettes qui, selon Reuters, contient habituellement 5 000 dards de métal, et qui tuent quiconque se trouve dans un rayon de 300 mètres.
En 2003, rapporte Reuters, la Cour suprême d’Israël a statué que « l’usage de l’obus à fléchettes est restreint aux zones où il n’y a pas de danger réel pour les civils innocents ». De nombreux enfants se trouvaient dans un rayon de moins de 100 mètres de Shana, dont la caméra était fixée à un trépied, tandis qu’un drone d’observation israélien tournoyait au-dessus de leurs têtes. Un deuxième obus a incendié la voiture de Reuters.
« La décision d’autoriser le tir était raisonnable », indique l’armée israélienne, selon qui l’équipe du char avait identifié des « éléments suspects » et avait pris la caméra de Shana pour une arme. « Aucune autre mesure judiciaire ne sera prise. »
« Ce rapport manque de crédibilité », déclare l’International News Safety Institute (INSI). « Il est inacceptable que des soldats bien entraînés, équipés d’appareils de surveillance et de détection hautement sophistiqués, confondent une caméra avec un missile anti-char. »
La Fédération internationale des journalistes (FIJ) a condamné l’enquête d’Israël, la qualifiant de « farce » et ajoutant : « Nous n’avons aucune confiance dans une enquête qui a servi à l’armée israélienne à éviter de faire face aux conséquences de ses actes irresponsables. »
Selon le CPJ, au moins huit journalistes ont été tués depuis 2001 en Cisjordanie et à Gaza, sept d’entre eux par des soldats israéliens. En 2005, Israël a pris des sanctions disciplinaires, mais sans l’inculper, contre le soldat qui, deux ans auparavant, avait tué le cameraman britannique James Miller, abattu tandis qu’il tenait un drapeau blanc.
En 2006, Shana lui-même et un autre cameraman avaient été blessés lorsqu’un missile israélien avait frappé l’enseigne, d’un rouge éclatant, portant le mot « Press », installée sur le toit du véhicule de Reuters. Après sa mort en avril, des milliers de Palestiniens avaient assisté à ses obsèques.
Par ailleurs, Reporters sans frontières (RSF) a condamné l’annonce faite par Israël le 11 août que Ibrahim Hamad, un technicien du son travaillant pour l’agence de nouvelles palestinienne Ramattan, serait détenu pendant six mois sans inculpation ni jugement. Des soldats israéliens ont arrêté Hamad le 15 juillet chez lui près de Ramallah, en Cisjordanie.
Consulter les sites suivants :
– Dépêche rapportée par l’IFEX en avril sur la mort de Shana : http://ifex.org/en/content/view/full/92692/
– CPJ, à propos de la décision d’Israël : http://tinyurl.com/58exc7
– Blogue du CPJ : http://tinyurl.com/5z34sk
– MADA : http://tinyurl.com/6b3b9e
-« Factbox » de Reuters : http://tinyurl.com/6knqay
– FIJ : http://tinyurl.com/66w8bn
– INSI : http://tinyurl.com/59x3fm
– FPA : http://www.fpa.org.il/?categoryId=406
– PCHR : http://tinyurl.com/5m54a8
– Menassat : http://tinyurl.com/5v23gt
– RSF, à propos de Hamad : http://tinyurl.com/6cl7jd
Photo de la voiture de Shana courtoisie de Getty Images
(20 août 2008)