(RSF/IFEX) – RSF est très préoccupée par l’état de l’enquête sur l’assassinat de la journaliste et militante anti-corruption Marlene Esperat. Aucun des deux commanditaires présumés n’a été arrêté par la police et, en revanche, l’un de leurs proches, le procureur Tukod Ronda, a obtenu du ministère de la Justice la charge de reprendre l’enquête. L’avocate […]
(RSF/IFEX) – RSF est très préoccupée par l’état de l’enquête sur l’assassinat de la journaliste et militante anti-corruption Marlene Esperat. Aucun des deux commanditaires présumés n’a été arrêté par la police et, en revanche, l’un de leurs proches, le procureur Tukod Ronda, a obtenu du ministère de la Justice la charge de reprendre l’enquête. L’avocate et la famille de la journaliste abattue d’une balle dans la tête à son domicile de Tacurong (île de Mindanao) sont très inquiets de cette évolution.
« L’heure n’est pas à recommencer l’enquête à zéro, mais plutôt à accélérer les recherches pour appréhender tous les commanditaires présumés, notamment Osmena Montaner et Estrella Sabay, deux anciens fonctionnaires du département de l’Agriculture, actuellement en fuite. D’autant plus que le nouveau procureur en charge de l’affaire est connu pour sa connivence avec les suspects en cavale », a dénoncé RSF.
« Le ministère de la Justice doit retirer le dossier au procureur Ronda dont l’impartialité n’est absolument pas garantie », a précisé l’organisation.
Par ailleurs, RSF souhaite que la Cour suprême envisage la possibilité de transférer cette affaire à Cebu pour éviter les interférences locales.
Le 24 juin 2005, l’avocate Nena A. Santos va déposer auprès du ministère de la Justice à Manille une opposition légale à l’ouverture d’une nouvelle enquête préliminaire confiée au procureur Ronda de Cotabato (ouest de l’île de Mindanao). Le 17 mai dernier, le procureur Nestor Lazaro avait finalisé son enquête en concluant – sur la base des confessions de l’un des tueurs – que Montaner et Sabay étaient impliqués dans l’assassinat de la journaliste. Santos a déclaré à RSF que la nomination de ce nouveau procureur était une « interférence flagrante » qui laisse craindre la présence d’une « main invisible » au ministère de la Justice à Manille. En effet, Ronda a été nommé alors qu’il est proche de Montaner et qu’il a personnellement accompagné l’avocat des deux suspects, le 6 mai à Manille, pour déposer au ministère de la Justice une déclaration écrite contestant les conclusions de l’enquête préliminaire.
Selon Santos, les deux suspects, accusés de corruption à plusieurs reprises par Esperat, tentent par tous les moyens, notamment en versant des pots-de-vin à des officiels, d’obtenir le retrait des charges et des mandats d’arrêt prononcés à leur encontre.
Le secrétaire à la Justice Raul Gonzalez a nié toute possibilité de corruption au sein du ministère. Il avait promis, en avril dernier, à des représentants de RSF que le ministère collaborerait pleinement à l’enquête sur l’assassinat de Esperat.
Par ailleurs, la police n’a pas réussi à interpeller Montaner et Sabay près d’un mois après la délivrance de mandats d’arrêt à leur encontre. L’un des membres de l’équipe de tueurs, le sergent Rowie Barua, avait désigné aux enquêteurs les deux anciens responsables du département de l’Agriculture de Cotabato comme les commanditaires du meurtre. Le militaire, détenu avec trois autres suspects, avait servi comme escorte de Sabay.
Suite à une rencontre avec des membres de la famille de Esperat, la présidente Gloria Arroyo avait ordonné la capture des commanditaires. Elle avait également annoncé la création d’un fonds de 5 millions de pesos (environ 90 000 $US) pour venir en aide aux familles de journalistes assassinés.
Les enfants de Esperat, seuls témoins de son assassinat le 24 mars, sont actuellement pris en charge par le Programme de protection des témoins. Ils ont repris leurs études sous la protection de la police.
En mai, RSF écrivait dans un rapport d’enquête sur les Philippines : « L’assassinat, le 24 mars 2005, d’une balle dans la tête de Marlene Esperat, surnommée la « Erin Brockovich » de la presse philippine, a créé un traumatisme dans la communauté journalistique, très féminisée ».