(JED/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de JED daté du 23 décembre 2008: PUBLICATION DU RAPPORT 2008 SUR LA LIBERTE DE LA PRESSE EN RD CONGO JED s’inquiète de la censure et de l’autocensure qui menacent la liberté de la presse Dans le cadre de la commémoration du 60e anniversaire de la Déclaration Universelle […]
(JED/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de JED daté du 23 décembre 2008:
PUBLICATION DU RAPPORT 2008 SUR LA LIBERTE DE LA PRESSE EN RD CONGO
JED s’inquiète de la censure et de l’autocensure qui menacent la liberté de la presse
Dans le cadre de la commémoration du 60e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) et de ses 10 ans d’existence, Journaliste en danger (JED) a rendu public, mardi 23 décembre 2008 à Kinshasa, son rapport annuel 2008 sur l’état de la liberté de la presse en RD Congo et dans huit autres pays de l’Afrique Centrale.
Dans ce rapport intitulé: « 10 ans pour la liberté de la presse: La liberté de la presse en Afrique centrale », JED note, en ce qui concerne la RDC, que la situation sécuritaire des professionnels des médias demeure la plus grande hypothèque à la liberté de la presse tandis que statistiquement le nombre des attaques contre les médias et les journalistes a connu un recul.
Pour JED, cette évolution – qui ne peut se justifier ni par l’amélioration de la loi qui régit l’exercice de la liberté de la presse en RDC, ni par la fin de l’impunité des auteurs des assassinats des journalistes et autres attaques contre les médias – serait le fait de la censure et de l’autocensure qui se sont installées dans les médias congolais. En effet, au cours de l’année 2008, un journaliste a été assassiné à l’est de la République démocratique du Congo tandis que plusieurs autres ont été arrêtés ou subi des pressions de toutes sortes de la part des services de sécurité, de la Haute Autorité des Médias (HAM, Instance publique de régulation des médias) et même de leurs propres employeurs. Tous ces facteurs mis ensemble ont créé une psychose de peur au sein de la profession dont nombre de journalistes hésitent désormais à aborder les questions dites « sensibles ».
Sur le plan des statistiques, au cours de l’année 2008 qui s’achève, JED a documenté 110 cas d’atteintes diverses à la liberté de la presse sur l’ensemble du territoire de la RDC. Comparativement à l’année précédente (2007), avec 163 cas d’atteintes dont deux assassinats, les chiffres indiquent une amélioration quantitative de l’ordre de 33% au détriment de la qualité des informations diffusées par les médias de manière générale.
Concernant les préoccupations sécuritaires, pour la quatrième année consécutive depuis 2005, un journaliste, Didace Namujimbo, de Radio Okapi à Bukavu (capitale de la province du Sud-Kivu, à l’est de la RDC) a été assassiné le 21 novembre 2008. C’est le deuxième journaliste de cette radio pilotée par la MONUC (Mission des nations Unies au Congo) et la Fondation suisse Hirondelle à être tué par balles à Bukavu après Serge Maheshe en 2007, et le sixième journaliste tué en RDC depuis novembre 2005.
Les peines d’emprisonnement des journalistes pour délit de presse restent aussi d’actualité. Ainsi, un journaliste, Nsimba Embete Ponte, de l’hebdomadaire L’Interprète, est en prison au CPRK (Centre Pénitentiaire et de Rééducation de Kinshasa) depuis 9 mois dont trois mois passés au secret au cachot de l’ANR (Agence Nationale des Renseignements) dit « ANR/Fleuve ». Le journaliste a été condamné, le 27 novembre 2008, à 10 mois de prison ferme pour « offense au chef de l’État ». Quant à son collaborateur, Davin Ntondo, arrêté aussi depuis mars 2008, il a été tout simplement acquitté après 9 mois de privation de liberté.
Le monitoring de JED indique également comme faits saillants que 6 journalistes ont été privés de liberté pendant des périodes dépassant les 48 heures et 39 l’ont été pour des périodes inférieures à 48 heures. À titre illustratif, au mois de novembre 2008, 5 journalistes de la chaîne privée RAGA TV ont été enfermés dans les locaux de l’ANR pour avoir commis « la faute » de donner la parole à un député de l’opposition.
Sur un autre registre, au moins 17 journalistes ont été agressés dans l’exercice de leur profession alors que 17 autres ont fait l’objet des menaces sérieuses ou d’harcèlement. 23 journalistes ou médias ont été victimes des pressions administratives, économiques ou judiciaires. Dans cette catégorie, JED épingle particulièrement deux cas symptomatiques: la RTNC et RLTV. En effet, 12 journalistes de la RTNC (Radiotélévision Nationale Congolaise, chaîne publique) ont été suspendus, en novembre 2008, par le comité de gestion de la RTNC pour « appartenance à une organisation mystérieuse à visée subversive au sein de l’entreprise ». En réalité, il leur était reproché d’avoir fait passer des images d’une marche des congolais de Bruxelles pour la paix à l’est de la RDC sur lesquelles on apercevait une pancarte appelant le chef de l’État congolais à la démission. Cette mesure arbitraire a été purement et simplement levée deux semaines plus tard sur ordre du ministre de la communication et des médias.
Quant à RLTV (Radio Lisanga Télévision), elle a été interdite de diffusion le 9 septembre 2008 en même temps que cinq autres télévisions privées et deux radios pour des manquements d’ordre administratifs. Contrairement à ce qu’affirmait l’arrêté d’interdiction, certains de ces médias dont RLTV étaient en règle avec la loi tant sur le plan administratif que fiscal.
JED a également documenté 5 cas d’entraves à la libre circulation nationale et internationale de l’information dont les cas les plus flagrants sont ceux de la fermeture abusive de Molière TV et de RACOU (Radio Communautaire Ushirika à Kiwanja à l’est de la RDC) dont les installations ont été pillées, le 4 novembre 2008, par les rebelles du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) du général déchu Laurent Nkunda, selon plusieurs témoignages recueillis par JED.
Face à la reprise des hostilités à l’est de la RDC, l’instance publique de régulation des médias, la HAM (Haute Autorité des Média) a fait, le 10 octobre 2008, une recommandation contraignante interdisant aux médias de diffuser « des informations non confirmées par des sources officielles et à même de décourager les Forces armées et la Nation ». En d’autres termes, dire que les soldes des militaires engagés aux fronts de l’est sont détournés par la hiérarchie militaire assise tapie peut effectivement décourager les forces armées et la nation. Mais se taire n’est-il pas pire que tout et ne relèverait-il pas de la complicité ?
En conclusion de ce qui précède, JED constate que la presse est bonne quant elle encense. Elle devient mauvaise quand elle critique ou dénonce les tares d’un pays dont tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il est miné par la corruption et toutes sortes d’anti-valeurs.