Dans le sillage des protestations mondiales qui ont suivi la publication des caricatures du prophète Mahomet, le crime archaïque de blasphème est réapparu comme forme de loi sur l’insulte des temps modernes, dit le Comité mondial pour la liberté de la presse (WPFC). Dans plus de 70 pays en 2006, des journalistes sont punis, parfois […]
Dans le sillage des protestations mondiales qui ont suivi la publication des caricatures du prophète Mahomet, le crime archaïque de blasphème est réapparu comme forme de loi sur l’insulte des temps modernes, dit le Comité mondial pour la liberté de la presse (WPFC).
Dans plus de 70 pays en 2006, des journalistes sont punis, parfois par de longues peines de prison, parce qu’ils auraient « attenté » à la dignité de hauts responsables ou d’institutions, souligne un dossier du WPFC.
Alors que certains pays ont entrepris d’abroger ou de réformer leurs lois sur la diffamation pénale – encore la semaine dernière, le président Felipe Calderón du Mexique a ratifié la loi qui dépénalise la « diffamation », les « insultes » et la « calomnie » – d’autres pays, comme l’Égypte, la Turquie et la Russie, y ont constamment recours, dit le WPFC. La Roumanie a adopté une loi pour dépénaliser la diffamation, mais a plus tard rescindé cette décision.
Une étude exhaustive des lois sur l’insulte dans 75 pays intitulée « C’est un crime : Comment les lois sur l’insulte étouffent la liberté de la presse » [It’s A Crime: How Insult Laws Stifle Press Freedom] démontre que, dans la plupart des affaires de diffamation, les défendeurs sont, dans l’écrasante majorité, des gens critiques à l’égard du parti au pouvoir.
« La conclusion est inévitable : la loi sur l’insulte constitue une arme importante dans l’arsenal des puissants pour châtier l’opposition et donc entraver l’expression d’une opposition », dit le WPFC.
Le WPFC fait valoir que les lois contemporaines sur l’insulte servent à décourager la critique des responsables, à mettre les gestes du gouvernement à l’abri de l’?il attentif du public et à punir les journalistes qui tentent de trouver l’information et de la rapporter.
Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) rapportait que deux animateurs d’émissions d’interview-variétés ont encore été condamnés la semaine dernière en Thaïlande à des peines de deux ans de prison pour avoir prétendu qu’un haut dignitaire de Bangkok avait reçu des pots-de-vin d’un entrepreneur en construction. Samak Sundaravej et Dusit Siriwan, du journal « This Morning in Thailand », ont été condamnés le 12 avril.
Et aux Philippines, où « le thème dominant dans la presse des Philippines en 2006 a été les poursuites judiciaires », dit le WPFC, un animateur de la radio vient tout juste d’être frappé d’une peine de quatre ans et demi de prison pour diffamation pénale, indique le Centre pour la liberté et la responsabilité des médias (Center for Media Freedom and Responsibility, CMFR). Alex Adonis a été inculpé en 2001 en rapport avec une série d’exposés en ondes sur Bombo Radyo au sujet de la vie personnelle d’un député local. Adonis ne pouvant payer un juriste ni se rendre au procès (à 500 km de chez lui), il a été jugé in absentia début février, puis arrêté le 19 février 2007. Les groupes de défense de la liberté de la presse n’ont été informés de son arrestation que le 2 avril.
« C’est un crime », inspiré par la controverse de la « guerre des caricatures », bénéficie du soutien d’un groupe d’entreprises de médias danois rassemblés par Joergen Ejboel, un cadre supérieur d’un journal au centre de la tempête qui entoure la publication des caricatures de Mahomet.
Dans une adresse au WPFC, Ejboel décrit les menaces contre sa vie et celle d’autres journalistes du journal « Jyllands-Posten », et l’émoi qui a suivi la décision du gouvernement danois de ne pas poursuivre le journal pour violation des lois du Danemark sur le discours haineux et le blasphème.
Par ailleurs, l’Organisation de la Conférence islamique, une association de 56 États islamiques, cherche à faire du blasphème un délit en droit international, rapporte le WPFC.
Pour obtenir un exemplaire du rapport de 305 pages « C’est un crime », voir sur le site web du WPFC : http://www.wpfc.org/Resources.html ou par courriel : [email protected]
Consulter les sites suivants :
– RSF, sur le Mexique : http://www.rsf.org/article.php3?id_article=21253
– CPJ, sur la Thaïlande : http://tinyurl.com/39z97u
– Alertes sur Adonis : http://ifex.org/fr/content/view/full/82197/
(Photo : WPFC)
(17 avril 2007)