(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF daté du 4 mai 2007: Les journalistes pris en otages : quelles solutions ? quelle mobilisation ? De plus en plus de journalistes sont pris en otages à travers le monde. En Irak et dans la bande de Gaza principalement, mais aussi en Afghanistan ou au […]
(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de RSF daté du 4 mai 2007:
Les journalistes pris en otages : quelles solutions ? quelle mobilisation ?
De plus en plus de journalistes sont pris en otages à travers le monde. En Irak et dans la bande de Gaza principalement, mais aussi en Afghanistan ou au Pakistan. Face à cette situation, quelle doit être la réponse des autorités et celle des médias ? Faut-il négocier avec les ravisseurs ? Faut-il mobiliser massivement l’opinion publique ?
Le phénomène des prises en otages de journalistes n’est pas nouveau. Au milieu des années 80, pendant la première guerre du Liban, plusieurs grands reporters étrangers sont restés plusieurs mois – trois ans pour Jean-Paul Kauffmann – aux mains de leurs ravisseurs du Hezbollah. Depuis, ces kidnappings n’ont jamais cessé. Au cours des années 90, en Tchétchénie, en Colombie, au Népal et en Sierra Leone, plusieurs dizaines de journalistes ont été pris en otages.
Aujourd’hui, les zones les plus dangereuses sont Bagdad et sa région, la bande de Gaza, ainsi que le sud et l’est de l’Afghanistan, partiellement contrôlés par les taliban. Des journalistes ont également été récemment enlevés aux Philippines, au Pakistan et au Sri Lanka.
Reporters sans frontières a recensé 223 prises d’otages de journalistes depuis 1999. Ce chiffre est certainement en deçà de la réalité, de nombreux kidnappings n’ayant jamais été révélés par les victimes ou leurs proches, afin d’éviter des représailles. Les régions les plus touchées sont l’Irak (69 journalistes enlevés depuis le début de la guerre, en mars 2003), les Philippines (23 reporters kidnappés en 2000, pendant la crise de Jolo), la Sierra Leone (17 journalistes enlevés pendant la guerre entre les forces gouvernementales et des milices rebelles, en 1999) et la bande de Gaza (14 correspondants de la presse étrangère pris en otages depuis janvier 2005).
Face à cette situation, quelle doit être la réponse des autorités, celle de la presse et celle de la société civile ?
Les représentants des autorités rencontrés par Reporters sans frontières estiment que la réponse apportée doit être définie au cas par cas et personnalisée. Chaque situation est différente. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte (lieu, période, identité et passé des ravisseurs, identité et nationalité de l’otage, nature de son média, motif de sa présence sur les lieux, etc.) et aucune procédure établie à l’avance ne peut être appliquée. Aucune solution clé en main n’existe en cas de prise en otage.
La négociation
Faut-il négocier pour sauver une vie ? Ou, au contraire, refuser tout marchandage, toute tractation, pour ne pas inciter les preneurs d’otages à récidiver ou d’autres à passer à l’acte ?
La majorité des Etats font le choix de refuser – officiellement du moins – toute négociation avec les preneurs d’otages. Dans le cas de Daniele Mastrogiacomo, le gouvernement italien a refusé de parler aux ravisseurs taliban. Les autorités ne voulaient s’adresser qu’à des intermédiaires. A l’inverse, dans le cas de Florence Aubenas, le ministère français des Affaires étrangères a tenté d’établir un contact direct avec les ravisseurs. Mais, dès le début de la prise d’otage, il n’a pu communiquer qu’avec des intermédiaires, toujours plus nombreux et souvent peu fiables.
Pour faire libérer Daniele Mastrogiacomo, les autorités de Rome et celles de Kaboul ont accepté de relâcher cinq chefs taliban. Les critiques ont été vives en Italie et ailleurs. Les journalistes ont été, bien entendu, soulagés par la libération de leur confrère, mais choqués par l’exécution des deux collaborateurs afghans de Daniele Mastrogiacomo. Ils sont désormais inquiets pour tous ceux qui travaillent en Afghanistan, devenus monnaie d’échange et à portée de main des taliban.
La mobilisation
Faut-il médiatiser une prise d’otages et faire appel à l’opinion publique ? Ou, au contraire, rester silencieux pour ne pas compromettre une négociation en cours ?
Une mobilisation massive fait monter le prix de l’otage, entend-on souvent. Si personne ne fait rien, l’otage est condamné, lit-on également. Reporters sans frontières a pris le parti, dans la plupart des affaires de prises d’otages, d’une mobilisation massive et immédiate. En accord, bien entendu, avec les familles et les employeurs des journalistes kidnappés. L’expérience a montré que cette mobilisation devait être importante, mais surtout durable. Elle ne doit pas s’essouffler au bout de quelques jours ou de quelques semaines. Dans certains cas peu connus du grand public ? Acquitté Kisombo, Ali Astamirov, etc. – cette mobilisation s’est tarie très vite. Dans d’autres, elle n’est jamais venue. Aujourd’hui, il n’existe plus aucune chance de savoir ce qui s’est passé, ni même de retrouver les corps de ces journalistes tombés dans l’oubli.
Le cas d’Alan Johnston est particulier. Après avoir multiplié les appels à sa libération, sa famille et la BBC sont dans une phase plus prudente. Le 15 avril dernier, un groupe inconnu, les Brigades de l’unicité et du djihad, a revendiqué l’assassinat du journaliste après avoir notamment reproché « au monde entier » de se « mobiliser pour ce journaliste alors que personne ne bouge le petit doigt pour venir en aide aux milliers » de prisonniers palestiniens. La mort du journaliste a été démentie par le président Mahmoud Abbas.
Les sanctions
Reporters sans frontières s’est rendue à Gaza, fin 2006, pour demander au chef de l’Etat et aux responsables des principales factions palestiniennes d’user de leur influence pour appeler leurs partisans et l’ensemble de la population à ne plus s’en prendre aux professionnels de la presse. L’organisation a également rencontré, à plusieurs reprises, le chef de l’Etat irakien, Jalal Talabani, et des membres du gouvernement irakien, pour les exhorter à prendre des mesures afin de lutter contre l’impunité des ravisseurs de journalistes.
LISTE DES 13 JOURNALISTES ACTUELLEMENT RETENUS EN OTAGES DANS LE MONDE
Nom (Nationalité) – Média : Date d’enlèvement / Lieu d’enlèvement
Rim Zeid (Irakienne) – Sumariya TV : 1er février 2006 / Bagdad (Irak)
Marouane Khazaal (Irakien) – Sumariya TV : 1er février 2006 / Bagdad (Irak)
Salah Jali al-Gharraoui (Irakien) – AFP : 4 avril 2006 / Bagdad (Irak)
Mohammed Abderrahmane (Irakien) – Dijla : Septembre 2006 / Bagdad (Irak)
Bilal Abdelrahman Al-Obeidi (Irakien) – AFP : 14 août 2006 / Bagdad (Irak)
Samir Ali Saoud (Irakien) – Sada : 25 décembre 2006 / Bagdad (Irak)
Akil Adnane Majid (Irakien) – Al Sabah : 9 janvier 2007 / Bagdad (Irak)
Karim Sabri Sharar Al-Roubaï (Irakien) – Al-Dawa : 11 janvier 2007 / Bagdad (Irak)
Ihab Mohammed (Irakien) – Al-Hurra : 14 février 2007 / Bagdad (Irak)
Talal Hachim Birkdar (Irakien) – Al-Diyar : 3 mars 2007 / Kirkouk (Irak)
Alan Johnston (Britannique) – BBC : 12 mars 2007 / Gaza (Territoires palestiniens)
Karim Manhal (Irakien) – Radio Dijla : 17 mars 2007 / Bagdad (Irak)
Thamir Sabri (Irakien) – Radio Dijla : 17 mars 2007 / Bagdad (Irak)
Plus d’informations sur ces otages sur http://www.rsf.org