On doit se demander ce qui reste à célébrer au Zimbabwe à la veille de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai. Plus de quatre semaines se sont écoulées et les Zimbabwéens ne savent toujours pas qui a remporté les élections présidentielles. Le président Robert Mugabe a choisi plutôt de […]
On doit se demander ce qui reste à célébrer au Zimbabwe à la veille de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai. Plus de quatre semaines se sont écoulées et les Zimbabwéens ne savent toujours pas qui a remporté les élections présidentielles. Le président Robert Mugabe a choisi plutôt de lever sa poigne de fer pour tenter d’écarter les menaces qui pèsent sur son règne de 28 ans. Cela va de l’arrestation de journalistes, pour faire le silence sur les questions qu’ils posent, jusqu’à agresser des membres de l’opposition.
« La défaite peut être dure à accepter mais, à tout le moins, le peuple du Zimbabwe a le droit de connaître le résultat de son élection », dit ARTICLE19, qui presse les autorités zimbabwéennes de s’éloigner du chaos et de « d’aller dans le sens de la raison et de la règle du droit » pour régler l’élection.
Une demande qui arrive à point nommé, tandis que les journalistes et des gens de partout dans le monde convergent vers Maputo, au Mozambique voisin, pour célébrer la Journée mondiale de la liberté de la presse, de l’UNESCO, dont le thème cette année est l’habilitation et l’accès à l’information.
« La liberté de la presse et l’accès à l’information s’insèrent dans l’objectif plus large d’habiliter la population en lui donnant les renseignements capables de les aider à maîtriser davantage leur propre vie », dit le Directeur-général de l’UNESCO, Koïchiro Matsuura, et cela va « de susciter des débats publics jusqu’à faire rendre des comptes aux gouvernements et autres ».
Mais, comme au Zimbabwe, le chemin est encombré de nombreux obstacles.
Les lois sur la liberté d’accès à l’information (LAI), qui donne accès aux renseignements publics, sont considérées comme l’une des lois les plus importantes pour réduire et, à terme, battre la corruption – principal obstacle au développement », dit l’UNESCO.
En dépit de certains problèmes créés par des lois mal rédigées, qui ne sont pas appliquées ou encore de nouvelles lois qui font la promotion du secret dans la guerre mondiale contre la terreur, plus de 70 pays du monde se sont dotés de lois exhaustives sur la liberté d’accès à l’information, et trente autres sont en voie de le faire, dit ARTICLE 19. Et le mouvement vers leur adoption s’amplifie : à preuve, la mesure prise l’an dernier par la Jordanie pour devenir le premier pays du Moyen-Orient à se doter d’une loi d’accès à l’information, ou les citoyens libériens marchant devant le parlement ce mois-ci pour présenter un avant-projet de LAI, après presque quatre ans de préparatifs.
« Mais les médias ne peuvent jouer que leur rôle pour habiliter les gens, si leurs consommateurs ont les compétences nécessaires en alphabétisation pour analyser et remettre en question les informations qu’ils reçoivent », dit l’UNESCO.
Tandis que l’Internet aide les médias à joindre plus de monde en plus d’endroits et permet à des gens ordinaires de devenir des journalistes citoyens – l’automne dernier, les reporters citoyens se sont trouvés au premier rang pour informer le monde des protestations en Birmanie – une proportion énorme de 80 pour 100 de la population du monde n’a toujours pas accès à des installations élémentaires de télécommunications, dit l’UNESCO. Un de ses objectifs cette année consistera à mettre en oeuvre des mesures qui permettront aux gens d’utiliser la nouvelle technologie, comme davantage de formation et plus de respect pour les différentes langues.
Prenons les médias communautaires traditionnels. La radio communautaire est reconnue comme l’un des meilleurs outils pour joindre et habiliter les populations les plus pauvres et les plus marginalisées du monde, dit l’Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires (AMARC). En plus de coûter peu à produire et d’être accessible à peu de frais, la radio communautaire peut aussi avoir une grande portée et surmonter l’analphabétisme.
Même avec le meilleur accès, les médias doivent se mesurer à toute une gamme d’obstacles pour faire sortir la nouvelle. Les journalistes doivent souvent faire face aux menaces, à l’intimidation et à la violence réelle au travail. Jassem al-Battat, journaliste à « Al-Nakhil », la voix sur les ondes du Conseil suprême islamique d’Irak, a été abattu la semaine dernière dans le sud du pays, selon ce que rapporte Reporters sans frontières (RSF).
Les reporters n’ont pas à travailler dans une zone de guerre pour courir des risques. La journaliste d’enquête mexicaine Lydia Cacho, lauréate de cette année du Prix mondial UNESCO/Guillermo Cano de la Liberté de la presse, a été visée par des menaces de mort, des manoeuvres de sabotage, des poursuites en diffamation et du harcèlement policier à cause de son travail de mise au jour de réseaux de prostitution et de pornographie infantiles.
Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) rapporte que 65 journalistes ont été « tués en rapport direct avec leur travail » en 2007 – le nombre le plus élevé depuis 1994. Trop souvent les crimes ne sont pas châtiés de façon appropriée.
Tandis que nous célébrons la Journée mondiale de 2008 de la liberté de la presse, l’UNESCO nous demande de ne pas seulement rendre hommage à des journalistes comme al-Battat, Cacho et les journalistes du Zimbabwe qui se sont mis dans des situations dangereuses pour nous tenir informés, mais aussi de rappeler le rôle crucial que jouent une presse libre et le droit à l’information pour habiliter les gens – à condition d’y avoir accès.
Consulter les sites suivants :
– Page de l’IFEX sur la Journée mondiale de la liberté de la presse : http://ifex.org/fr/content/view/full/663/
– Page de l’UNESCO sur la Journée mondiale 2008 de la liberté de la presse : http://www.unesco.org/webworld/fr/wpfd2008
– AMARC : http://www.amarc.org/
– ARTICLE 19, « Freedom of Information: A Comparative Legal Survey » (Liberté d’accès à Information : Étude juridique comparative) : http://tinyurl.com/2lkjxh
– ARTICLE 19, à propos du Zimbabwe : http://tinyurl.com/5qbnrk
– CPJ, à propos des journalistes tués en 2007 : http://www.cpj.org/Briefings/2007/killed_07/killed.html
– RSF, à propos de al-Battat : http://www.rsf.org/article.php3?id_article=26724
– Page de Privacy International sur la liberté de l’information : http://tinyurl.com/6ylth6
– « Le Courrier de l’UNESCO » consacre son prochain numéro au 3 mai, disponible le 30 avril accessible en anglais, en arabe, en espagnol, en français et en russe. Ne manquez pas une entrevue exclusive avec Cacho : http://www.unesco.org/courier
(29 avril 2008)