La journaliste irakienne Jumana al-Ubaidi a décidé qu’elle ne pouvait plus travailler dans son pays. Le point de rupture a été son enlèvement en octobre dernier par des insurgés qui ont abattu son chauffeur et qui l’ont torturée durant sa captivité. Elle a été libérée deux semaines plus tard – mais uniquement après avoir versé […]
La journaliste irakienne Jumana al-Ubaidi a décidé qu’elle ne pouvait plus travailler dans son pays. Le point de rupture a été son enlèvement en octobre dernier par des insurgés qui ont abattu son chauffeur et qui l’ont torturée durant sa captivité. Elle a été libérée deux semaines plus tard – mais uniquement après avoir versé une rançon et avoir pris l’engagement de cesser de travailler pour l’« occupant ».
Al-Ubaidi compte parmi le nombre record de journalistes forcés à l’exil depuis les douze derniers mois, dit le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). Cette année, le CPJ et Reporters sans frontières (RSF) ont marqué la Journée mondiale des Réfugiés, le 20 juin, en rendant hommage aux journalistes en exil.
D’après un nouveau dossier du CPJ, au cours de la dernière année, au moins 82 journalistes ont quitté leur pays natal sous la menace ou par suite de harcèlement – soit environ le double de la moyenne enregistrée par le CPJ depuis le début de son recensement annuel, en 2001. Plus de la moitié des journalistes venaient de deux pays, l’Irak et la Somalie, pays le plus meurtrier pour la presse l’an dernier. Un grand nombre de journalistes réfugiés manquent d’ouvertures professionnelles, dit le CPJ; moins du tiers des journalistes en exil depuis 2001 se sont trouvé du travail dans les médias.
Lorsque al-Ubaidi a été relâchée, elle et sa mère se sont rendues dans un pays voisin, et, contre la somme de 20 000 $, elles ont été introduites clandestinement en Europe de l’Ouest. « Nous avons passé huit jours dans un gros camion, où nous avons manqué d’eau et de nourriture. Les seuls moments où on nous permettait de sortir du camion, c’était lorsque nous avions besoin d’aller à la salle de bains », a-t-elle déclaré au CPJ. Elle vit maintenant dans un camp de réfugiés, où elle attend la décision du gouvernement sur sa demande d’asile.
Sur environ deux millions de réfugiés irakiens, une infime portion seulement a pu se réinstaller de manière permanente à l’extérieur de la région, dit le groupe Human Rights First, basé aux États-Unis – et quelques rares individus aux États-Unis mêmes, en dépit de la promesse du gouvernement de traiter davantage de demandes de réfugiés en provenance d’Irak. La Suède, cependant, s’est révélée être un havre pour plus de 40 000 réfugiés et demandeurs d’asile irakiens.
L’exode des reporters d’Irak et de Somalie a clairsemé les rangs de la profession dans deux importantes zones de conflit. Les enlèvements et les menaces de mort ont fait fuir au moins 22 journalistes irakiens au cours des douze derniers mois, constate le CPJ.
Les cas des journalistes somaliens en exil constituent « une communauté de journalistes de tout un pays qui est en fuite », a déclaré au CPJ Paul Salopek, du « Chicago Tribune ». Les deux dernières années ont été particulièrement sanglantes en Somalie, tandis qu’un gouvernement de transition appuyé par les troupes éthiopiennes affrontait des insurgés islamiques.
« Lorsque les médias sont massivement expulsés comme c’est le cas en Irak et en Somalie, c’est une partie vitale de ces sociétés qui est perdue », dit le CPJ.
RSF appelle l’Union Européenne à adopter des mesures particulières afin de protéger les journalistes réfugiés qui défendent la liberté d’expression. À l’occasion de la Journée mondiale des Réfugiés, les journalistes qui cherchent refuge en Europe sont aussi invités à se rencontrer et à discuter avec les médias au siège de RSF à Paris. « Ce sont les oppresseurs qui gagnent si l’exil réduit ces journalistes au silence », dit RSF.
Pour prendre connaissance des activités de RSF à l’occasion de la Journée mondiale des Réfugiés, aller à : http://tinyurl.com/468mg4
Davantage de renseignements sur les journalistes en exil sont accessibles au programme d’aide aux journalistes, mis sur pied par le CPJ : http://www.cpj.org/journo_assist/
L’étude du CPJ se concentre sur les journalistes qui ont été contraints de fuir à cause de leur travail et qui vivent en exil depuis au moins trois mois. Pour lire le rapport intégral, aller à : http://tinyurl.com/3px8ss
Voir le numéro intitulé « The Drum Beat » sur les communications pour les réfugiés à : http://tinyurl.com/4fynuj
Pour plus de ressources pour les journalistes en exil, aller à : http://ifex.org/fr/content/view/full/84508/
(Photo courtoisie de Radio Shabelle, via le CPJ : Trois reporters de Somalie se sont réfugiés temporairement à Radio Shabelle l’automne dernier, mais ont dû en fin de compte fuir le pays)
(24 juin 2008)