Le chanteur populaire pachtoun Sardar Yousafzai et 11 membres de son orchestre rentraient chez eux après un spectacle donné lors d’une noce en décembre dernier dans la province de la Frontière du Nord-Ouest, au Pakistan, lorsqu’un groupe d’individus armés a stoppé leurs voitures dans une embuscade et ont ouvert le feu. Cinq musiciens ont été […]
Le chanteur populaire pachtoun Sardar Yousafzai et 11 membres de son orchestre rentraient chez eux après un spectacle donné lors d’une noce en décembre dernier dans la province de la Frontière du Nord-Ouest, au Pakistan, lorsqu’un groupe d’individus armés a stoppé leurs voitures dans une embuscade et ont ouvert le feu. Cinq musiciens ont été blessés gravement, tandis que le joueur d’harmonium (instrument ressemblant à un orgue), Anouar Gul, a succombé deux jours plus tard dans un hôpital de Peshawar. Les agresseurs courent toujours.
Gul est une autre victime de la campagne des Talibans contre l’expression musicale dans le nord-ouest du Pakistan – et de la pire forme de censure : le meurtre. Le 3 mars, Journée de la liberté de la musique, les musiciens et les radiodiffuseurs à travers le monde vont se souvenir de Gul et d’autres cibles de la censure musicale. La journée est organisée par Freemuse, une organisation de défense de la libre expression qui se consacre aux musiciens.
Le fils de Gul, Naveed, craint qu’après la mort de son père, plus personne dans sa famille ne songera à faire une carrière musicale. Lui-même joue du rebab, un instrument à cordes originaire d’Afghanistan, mais les agressions commises récemment contre des musiciens ne lui laissent pas le choix de renoncer et de trouver une autre profession. « Ma famille est confrontée à des temps difficiles ces jours-ci. Je ne sais pas comment survivre dans cet environnement suffocant. Nous sommes sans défense », a déclaré Naveed à Freemuse.
Selon Freemuse, la censure musicale a beaucoup empiré et est devenue un problème beaucoup plus étendu à l’échelle mondiale qu’on ne le jugeait lorsque le groupe s’est constitué il y a près de dix ans. Pour souligner une décennie d’existence, Freemuse a publié récemment des études de cas dans « Human Rights for Musicians » (Droits de la personne pour les musiciens).
Rien que ces derniers mois, Freemuse et des membres de l’IFEX ont documenté un certain nombre d’histoires de censure musicale un peu partout dans le monde.
Il y a le cas de Bülent Ersoy, chanteuse transsexuelle de Turquie, acquittée d’accusations d’avoir tenu des propos antimilitaristes pendant une émission de télévision radiodiffusée en février 2008, selon ce que rapporte la Fondation de Communication IPS (BIANET).
Ersoy a été accusée d’avoir « retourné le public contre le service militaire » avec ses remarques au cours d’une populaire émission de télévision, lorsqu’elle a critiqué publiquement l’incursion de la Turquie dans le nord de l’Irak et déclaré que si elle avait un fils, elle ne l’enverrait pas à la guerre. Le service militaire est obligatoire pour les hommes de plus de 20 ans en Turquie, et il est criminel de le dénoncer.
En ce moment, le procureur dans cette affaire a interjeté appel de l’acquittement d’Ersoy, en se fondant sur sa sexualité. Il fait valoir que l’incapacité biologique d’Ersoy d’avoir des enfants constitue une insulte aux mères turques.
Au Yémen, le chanteur et comédien Fahd al-Qarni risque des accusations renouvelées d’« insulte au président », rapportent ARTICLE 19 et Hood, une organisation yéménite de défense des droits. Les chefs d’accusation remontent à septembre 2006, lorsque al-Qarni a fabriqué des cassettes à ruban sur lesquelles il mêlait chansons traditionnelles, comédie et critiques des politiques du gouvernement. Bien que al-Qarni ait reçu un pardon en septembre 2008, il est de nouveau mis en accusation exactement pour le même crime, ce que ARTICLE 19 qualifie d’« exemple clair de censure des artistes qui utilisent leur médium? comme outil pour critiquer la politique ».
Le Comité des écrivains en prison du PEN International (WiPC) rapporte que le chanteur et parolier camerounais Lapiro de Mbanga a été condamné à trois ans de prison en septembre 2008, presque six mois après avoir été arrêté et détenu parce qu’il aurait participé à des émeutes anti-gouvernementales. Mbanga est connu pour ses critiques virulentes du gouvernement, tant comme parolier que comme membre d’un parti d’opposition. Le WiPC craint que sa peine ne soit liée aux paroles critiques de ses chansons.
Maintenant, le gouvernement accuse Mbanga d’inciter les employés, dans une de ses chansons, à détruire une bananeraie, dit Freemuse. Il risque de subir un nouveau procès le 20 mars.
Les mésaventures de ces personnes ne constituent que quelques-unes des raisons pour lesquelles le 3 mars, Freemuse demande aux stations de radio, aux journaux et aux musiciens des cinq continents de se concentrer sur la censure musicale à l’occasion de la Journée de la liberté de la musique. Faites jouer une chanson controversée, interviewez un musicien censuré ou dédiez votre prochaine chanson à la liberté d’expression musicale.
Freemuse offre gratuitement des entrevues originales à la radio, prêtes à diffuser, ainsi que des clips vidéo de haute résolution prêtes à utiliser dans des émissions de radio et de télévision. Allez sur le site de Freemuse pour partager des idées et trouver de l’inspiration, à : http://www.freemuse.org/sw31512.asp
Consultez également les sites suivants :
– ARTICLE 19/Hood, sur le Yémen : http://tinyurl.com/cx8erf
– Pour les alertes d’ARTICLE 19 concernant des artistes, cliquer sur « artist alert » sur le site web d’ARTICLE 19 : http://www.article19.org
– BIANET, à propos de la Turquie : http://tinyurl.com/dcq44h
– WiPC, à propos du Cameroun : http://tinyurl.com/cht684
– Freemuse, « Human Rights for Musicians » (Droits fondamentaux des musiciens) : http://www.freemuse.org/sw31785.asp
(Photo d’Anouar Gul, courtoisie d’Assad Danish)
(18 février 2009)