2012 était l'année la plus meurtrière pour les journalistes depuis la première publication du bilan annuel de Reporters sans frontières en 1995.
(RSF/IFEX) – le 19 décembre 2012 – L’année 2012 s’est avérée particulièrement meurtrière, avec un nombre de journalistes tués dans l’exercice de leurs fonctions en hausse de 33 % par rapport à 2011. Les zones les plus touchées sont le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (26 morts), l’Asie (24 morts) et l’Afrique sub-saharienne (21 morts). Seul le continent américain connaît une baisse – relative – du nombre de journalistes tués dans le cadre de leur exercice professionnel (15 morts).
Jamais le bilan n’a été aussi macabre depuis 1995. Ces dernières années, le nombre de journalistes tués s’est élevé à 67 en 2011, 58 en 2010, 75 en 2009. En 2007, ce nombre avait connu un pic historique avec 87 professionnels des médias tués, un de moins que cette année. Les 88 journalistes qui ont perdu la vie en 2012 en lien avec leur activité ont été victimes de la couverture de conflits ou d’attentats, ou assassinés par des groupes liés au crime organisé (mafia, narcotrafic, etc), des milices islamistes ou sur ordre d’officiels corrompus.
« Le nombre historiquement élevé de journalistes tués en 2012 est principalement imputable au conflit en Syrie, au chaos en Somalie et à la violence des taliban au Pakistan. L’impunité dont jouissent les auteurs d’exactions encourage la poursuite des violations des droits de l’homme, en particulier de la liberté de l’information », a déclaré Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières.
Les atteintes sont perpétrées contre les acteurs de l’information au sens large. Outre ces 88 journalistes tués, les citoyens-journalistes et net-citoyens sont touchés de plein fouet (47 tués en 2012, 5 en 2011), notamment en Syrie. Ces hommes et femmes exercent la fonction de reporters, photographes ou vidéastes pour documenter leur quotidien et la répression. Sans leur action, le régime syrien serait en mesure d’imposer un black-out total de l’information dans certaines régions et de massacrer à huis clos.
Pour établir ces chiffres, Reporters sans frontières se fonde sur des données précises, collectées tout au long de l’année grâce à son activité de veille des violations de la liberté de l’information. Sont inclus dans ces statistiques les journalistes et les net-citoyens ayant trouvé la mort dans le cadre de leur travail d’information. Les journalistes ou net-citoyens tués dans le cadre d’activités strictement politiques ou militantes, en tout état de cause sans lien avec une démarche d’information, ne sont pas pris en compte par Reporters sans frontières. Les cas sur lesquels l’organisation n’a pas encore pu réunir les éléments nécessaires pour statuer avec rigueur demeurent en investigation.
Les 5 pays les plus meurtriers pour les journalistes
Malgré l’adoption de la Résolution 1738 par le Conseil de sécurité des Nations unies qui rappelle aux Etats la nécessité de protéger les reporters en zones dangereuses, les violences commises à l’encontre des journalistes demeurent l’une des plus grandes menaces pour la liberté d’expression. En premier lieu, les assassinats.
La Syrie, cimetière des acteurs de l’information
En 2012, au moins 17 journalistes, 44 citoyens-journalistes et 4 collaborateurs des médias ont été tués
En Syrie, la répression sanglante menée par Bashar Al-Assad s’est abattue sur les acteurs de l’information, témoins gênants d’exactions commises par un régime aux abois. Parallèlement, des journalistes ont été pris à partie par certains groupes armés opposés au régime, de plus en plus intolérants face aux critiques et prompts à cataloguer comme espions les professionnels de l’information qui ne relaient pas leurs thèses. La polarisation de l’information, la propagande et les tentatives de manipulation, la violence extrême à laquelle les journalistes et citoyens-journalistes sont confrontés, les contraintes techniques rencontrées, font de l’activité de collecte et de diffusion d’informations un véritable sacerdoce dans ce pays.
Une année noire pour la Somalie
18 journalistes tués en 2012 dans ce pays de la corne de l’Afrique
En 2012, deux fois plus de journalistes ont perdu la vie en Somalie qu’au cours de l’année 2009, jusqu’alors l’année la plus meurtrière pour le pays. La seconde quinzaine du mois de septembre a été particulièrement sanglante, avec sept journalistes tués, dont deux en moins de 24 heures, un ayant été décapité et l’autre abattu. Les modalités « classiques » ? Assassinats ciblés et attentats à la bombe. Les journalistes sont victimes des milices armées, les shebab, mais aussi des administrations locales qui tentent de réduire les médias au silence. Les journalistes somaliens travaillent dans des conditions effroyables, dans la capitale Mogadiscio comme dans le reste du pays. L’absence de gouvernement stable depuis plus de 20 ans, dans cet Etat failli où la violence est enracinée et l’impunité la règle, alimente ce décompte macabre.
Pakistan, un journaliste tué tous les mois
10 journalistes et un collaborateur des médias tués : entre la violence endémique au Baloutchistan et les représailles des taliban, un terrain miné pour les reporters
Pour la deuxième année consécutive, 10 morts sont recensés au Pakistan, soit pratiquement un mort chaque mois depuis février 2010. De 2009 à 2011, le pays a été le plus meurtrier pour la presse et le Baloutchistan demeure l’une des régions les plus dangereuses au monde. Avec ses zones tribales, sa frontière avec l’Afghanistan, ses tensions avec l’Inde, son histoire politique chaotique, le Pakistan est l’une des régions les plus compliquées à couvrir. Menaces terroristes, violences policières, pouvoir sans frein de potentats locaux, dangers inhérents aux conflits dans les zones tribales, autant d’écueils souvent mortels sur le chemin des journalistes.
Au Mexique, les journalistes dans la ligne de mire du crime organisé
6 journalistes tués
La violence – devenue exponentielle pendant six ans avec l’offensive fédérale contre les cartels – s’abat sur les journalistes osant s’emparer des thèmes du narcotrafic, de la corruption, des infiltrations mafieuses au sein des autorités locales ou fédérales, et des violations des droits de l’homme attribuées à ces mêmes pouvoirs.
Brésil : l’envers du décor
5 journalistes tués
Au Brésil, la main du narcotrafic à la frontière paraguayenne paraît directement à l’origine de deux des cinq assassinats recensés en lien direct avec la profession, les journalistes concernés ayant dénoncé l’emprise des cartels sur les secteurs politiques et économiques locaux. Deux autres tués sont des journalistes-blogueurs, en général très exposés dès qu’une autorité publique est mis en cause ou que des cas de corruption sont dénoncés.
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